Yasunari Kawabata

L’écrivain de la semaine

YASUNARI KAWABATA

(1899-1972)

Fidèle en cela à une certaine esthétique japonaise, l’art de Kawabata est minutieux, élégiaque, obsessionnel. La douceur y est toujours grave, le rythme assez lent, les scènes d’une grande crudité, mais l’ensemble baigne dans une clarté nue et bouleversante. Du point de vue technique Kawabata possède un sens de la « découpe » tout à fait unique. Il n’ « avance » pas à proprement parler, ce qui explique la sensation de lenteur, ou de circonvolution, qu’on éprouve parfois à le lire ; ses brefs paragraphes n’impliquent pas de continuité, ni d’expansion, au contraire ils resserrent le tissu narratif, ils compressent la matière du grand corps qui les a secrétés, et qu’ils engendrent eux-mêmes : ils appartiennent de droit à la « puissante mélodie de l’arrière-fond » découverte par Rilke, « où le plus infime vaut le plus grand ». De tels romans-cristaux, dont le centre est partout, et qui « concentrent » tout, ne pouvaient qu’être courts, au risque, sinon, d’imploser…

Un critique de renom disait : « En littérature, quand les plans se mettent à bouger, il n’y a plus d’art ». Rien n’est plus dur à atteindre que la maîtrise de ces « plans ». Tolstoï y est parvenu. Quelques autres aussi, et Kawabata en fait partie, et lui l’a fait, c’est exceptionnel, sur une demi-douzaine de romans, ceux qu’on appelle les romans de sa maturité, et dont les thèmes ne varient pas : la solitude, la beauté, la mort.

Lire Kawabata, c’est prendre part à une cérémonie. Il faut s’agenouiller, comme lui le faisait pour écrire, et contempler ses textes, heureux et rassurés de nous y sentir libres, libres de nous en distraire un instant, mais parce que nous y sommes entièrement contenus… La prose du grand écrivain japonais envoûte, elle résiste à la traduction, qui pourtant nous prive d’une perfection définitive, mais ajoute un voile à ces livres déjà mystérieux, et ainsi ne leur fait pas injure. Et si l’éphémère y est sans cesse traqué, ils nous laissent tout de même, à la fin, d’inoubliables images (les fauteuils qui tournent dans Tristesse et beauté, la vitre du train dans Pays de neige, etc.), et cette sensation d’avoir touché à la plus intacte des beautés.


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