Le livre du large et du long
LAURA VAZQUEZ
Alors comment parler de ce livre ? Je n’en sais rien.
C’est celui qui m’a le plus impressionné parmi ceux que j’ai attrapés aux sortir d’un carton depuis que je travaille à la librairie.
Peut-être que ce qu’il a eu de mégalithique dans mon parcours de lectrice tenait en partie à une heureuse temporalité entre lui, moi et l’époque. Je peux imaginer que la rencontre n’opère pas. Évidemment.
Mais si on chope sa fréquence, alors on voit les mots ressusciter. Des mots dont on ne se doutait même pas qu’ils étaient morts.
Je lisais ce livre, et ça avait quelque chose de véritablement grand.
Puis j’ai reçu un message de mon amie Fanny (quelques jours auparavant nous nous étions aperçues par hasard que nous étions toutes les deux sur la piste de cette lecture) : « … j’ai l’impression que mon corps se défragmente dans l’univers… » Sans réfléchir, j’ai répondu :«Je suis sous perfusion de défragmentation aussi ».
Ça vous parait idiot ? C’est que vous n’avez pas encore lu Le livre du large et du long.
On n’avait pas la moindre idée, ni l’une ni l’autre, de ce que ça pouvait bien vouloir dire, mais on essayait avec une joie enfantine d’attraper quelque chose de cette expérience de lecture avec des mots que justement, on ne maîtrisait pas.
Et malgré notre inconfort commun à frayer dans les eaux de la grandiloquence, des messages comme ceux-ci nous paraissaient soudain couler de source.
Il faut dire qu’ils étaient échangés dans le cadre sécurisant d’une conversation privée et intime qu’avec son accord, je jette ici en pâture. Nous sommes prêtes à payer ce prix-là pour ce livre. C’est dire !
Et tout ceci se passait avant que Laura Vazquez ne reçoive (à 36 ans) le Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre, donc on ne peut même pas mettre ces débordements sur le dos de la grégarité.

Ce livre, je pourrai y revenir (je dirais) toujours (si je ne me méfiais pas des mots grandiloquents).
Je vais encore le vivre, le mâcher, le gratter, le respirer largement et longuement. Il me calme, me concentre, m’élève. Il m’épluche du superflu, du factice. Il me lave. Il me dégraisse. Enfin, je crois. Ça ne ressemble pas. C’est très rassurant de sentir toute cette probité, toute cette rigueur, tout ce travail. C’est à la fois monumental et terrien.
Quelques mois plus tard, toujours aussi excitées d’être les contemporaines d’une écrivaine de cette envergure, nous sommes allées, Fanny et moi, à Rennes pour l’écouter de près.
Pour que vous puissiez aussi entendre Laura Vazquez, je suggère cet entretien en 3 épisodes avec Richard Gaitet.